Amandine. — Il y a toujours des hommes pour les bonnes occasions.
Pacarel. — Oui, seulement il n’y a pas de bonnes occasions pour tous les hommes. (À Tiburce.) Apportez-nous le champagne.
Tiburce remonte chercher le champagne sur le buffet pendant que la bonne enlève les verres à vin et la carafe.
Amandine. — Ah ! je l’adore… mais mon mari, le docteur, me le défend… il dit que ça m’excite trop ! Il ne me le permet que pour mes bains.
Tiburce, à part. — Ah ! pauvre chatte !
Pacarel. — Allons ! tendez vos verres… et vous savez, c’est du vin ! Je ne vous dis que ça… il me vient de Troyes, ville aussi célèbre par son champagne que par le cheval de ce nom.
Julie. — Mais non papa, le cheval et le champagne, ça n’a aucun rapport. Ça ne s’écrit même pas la même chose.
Pacarel. — Pardon ! ai-je dit que… cheval et champagne, ça s’écrit la même chose ?
Julie. — Je ne te dis pas !… Mais il y a Troie et Troyes…ce qui fait deux.
Landernau. — Permettez… trois et trois font six.
Pacarel. — Ah ! très drôle ! Messieurs… Mesdames… Je demande la parole…
Il se lève.
Amandine. — Laissez parler M. Pacarel,
Marthe. — Parle !… Mon mari était fait pour être tribun,
Pacarel. — Messieurs… Mesdames… on ne pourra pas nier.
Marthe. — Ah ! à propos de panier, ma chère Amandine, j’ai retrouvé le vôtre, votre panier à ouvrage
Amandine. — Mon panier, ah ! moi qui le cherchais !
Pacarel. — Messieurs, mesdames…
Tous. — Chut.
Pacarel. — Allez-vous bientôt me laisser parler ?
Marthe. — Va, mon ami. (À Amandine.) Vous me ferez penser à vous le rendre tout à l’heure.
Pacarel. — Messieurs et Mesdames… et surtout toi, ma fille… je vous ménage une surprise (À Tiburce.) Apportez-nous les rince-bouche.
Marthe. — C’est ça ta surprise
Pacarel. — Non, ce n’est qu’une interruption… Je veux m’habituer pour si jamais je suis député… (À Tiburce.) Eh ! bien, vous n’entendez pas ? J’ai demandé que vous m’apportassiez les rince-bouche.
Tiburce. — Voilà ! Je vais vous l’apportasser !
Pacarel. — D’abord on dit apporter… On ne dit pas apportasser.
Tiburce. — Ah ! je pensais faire plaisir à Monsieur… comme Monsieur vient de le dire… Oh ! les maîtres !…
Il sort.
Amandine. — Monsieur Pacarel… vous avez la parole…
Tous. — La surprise !… La surprise !…
Pacarel. — Voilà… Je serai bref… Julie… tu t’es illustrée dans ta famille par la confection d’un opéra… tu as refait Faust après Gounod… Gounod était né avant toi, il était tout naturel qu’il eût pris les devants. Ton Faust, j’ai résolu de le faire jouer à l’Opéra même… Je me suis enrichi dans la fabrication du sucre par l’exploitation des diabétiques…