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D’un mouvement inconscient, elle envoie un soufflet à Savinet.

Savinet, furieux. — Madame !

Angèle. — Oh ! Pardon ! Il me semblait que c’était mon mari !

Savinet. — C’est trop fort ! Ce n’est pas une raison parce qu’il s’est mis à ma place chez moi pour que vous me mettiez à la sienne !

Angèle. — Ah ! Et puis, tout ça, c’est hors de la question ! En attendant, je garde cette lettre, elle me servira. Elle lui prend la lettre sans qu’il s’y attende.

Savinet. — Pardon, mais je la garde aussi pour la même raison.

Angèle. — Permettez, elle est écrite par mon mari, j’ai le droit de l’avoir.

Savinet. — Oui, mais elle est écrite à ma femme et, comme telle, elle m’appartient !

Angèle. — Eh ! Bien, alors, chacun la moitié !

Elle lui donne la moitié de la lettre.

Savinet, à part. — Elle me donne la feuille blanche.

Angèle. — Oh ! Le gredin ! Il m’endormait… Qui est-ce qui m’aurait dit que j’étais… eh ! bien voilà… Il m’endormait… Oh ! Mais, maintenant, je sais ce qui me reste à faire.

Savinet. — Et moi donc !

Angèle. — Le divorce !

Savinet. — Moi aussi !

Angèle. — J’irai vivre toute seule !

Savinet. — Moi aussi !

Angèle. — Mon mari me rendra ma dot…

Savinet. — Moi aussi… Hein ?

Angèle. — Je dis : mon mari me rendra ma dot !

Savinet. — J’avais bien entendu ! Alors vous croyez que…

Angèle. — Dame ! Vous supposez bien qu’il ne va pas la garder puisque nous nous séparons…

Savinet. — C’est juste !… Diable ! Diable ! Diable !

Angèle. — Qu’est-ce que ça vous fait ?…

Savinet. — Ça ne me fait rien, pour votre mari, mais c’est pour moi que je dis : "Diable ! diable ! diable !"…

Angèle. — Eh ! Bien quoi ?…

Savinet. — Quoi… C’est que… Je comprends très bien, la dot … évidemment ! Mais la rendre en ce moment-ci … Moi, quand ma femme m’a apporté ses quatre cent mille francs, je les ai employés en valeurs argentines !…

Angèle. — Eh ! Bien…

Savinet. — Eh bien, à ce moment-là, c’était très bon ! Aujourd’hui, ça ne vaut pas le quart… C’est pas le moment de vendre ! Je ne pourrais jamais restituer la dot au pair !…

Angèle. — Vous avez votre fortune personnelle !

Savinet. — Elle est représentée par ma maison de commerce…

Angèle. — Liquidez-la !

Savinet. — Vous en parlez à votre aise ! Alors, parce qu’il a plu à ma femme et à monsieur Ribadier de… qu’ils m’ont fait…. euh… Ce n’est pas assez ! Il faudrait encore que ça me coûtât de l’argent ! Ah ! non…

Angèle. — Dame !… Enfin…