Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 2, 1948.djvu/110

Cette page n’a pas encore été corrigée

Savinet. — C’est une lettre de votre mari que j’ai trouvée chez ma femme.

Angèle. — Comment ça ?

Savinet. — En fouillant. Vous allez voir.

Angèle. — Oh !

Savinet, lisant. — "Ma Réré" ! C’est un abréviatif de Thérèse ! Ma femme s’appelle Thérèse.

Angèle. — Ah !

Savinet. — Moi je l’appelais "Théthé", j’avais pris la première syllabe, lui il a pris ce qui restait !

Angèle. — Ah ! Je vais t’en donner des Réré !

Savinet. — C’est trop tard, madame, il ne vous a pas attendu pour ça ! (Lisant.) "Ma Réré, je viens de te quitter et j’éprouve le besoin de t’écrire. J’ai été bien heureux ce soir !…"

Angèle. — C’est inconvenant !

Savinet. — Si c’est inconvenant ! À qui le dites-vous !… (Lisant.) "Je savais bien que tu ne pouvais pas aimer ton mari, il est…"(À Angèle.) Non, lisez, tenez, lisez ! J’aime mieux que ce soit vous que moi !

Angèle, lisant. — "Je savais bien que tu ne pouvais pas aimer ton mari, il est laid comme un singe…"

Savinet. — C’est de moi… Vous trouvez ça poli ?

Angèle, lisant. — "Qu’il est heureux cet homme de vivre près de toi… tu es la vraie femme adorable…"(Parlé.) Oh ! (Lisant.) "Quand je te compare à la mienne qui est…" (À Savinet.) Non, tenez, lisez, lisez, je ne peux pas !

Savinet, lisant. — "Qui est insupportable !"

Angèle. — Oh !

Savinet, lisant. — "Défiante !"

Angèle. — Oh !

Savinet, lisant. — "Geignarde !"

Angèle, furieuse. — Oh !

Savinet, lisant. — "Ah ! Quel obstacle ce serait entre nous sans mon précieux système !"

Angèle. — Hein !

Savinet, lisant. — "Comme c’est commode… Chaque fois que ton…" (Parlé.) Bon, je reviens sur l’eau… (Lisant.) "Chaque fois que ton…"(Parlé.) Non, à vous ! Tenez, à vous !

Angèle, prenant la lettre. — "Chaque fois que ton imbécile de mari s’absente…"

Savinet. — C’est toujours moi… Vous trouvez ça poli ?

Angèle, lisant. — "pour avoir la clef des champs, je n’ai qu’à regarder ma femme d’une certaine façon dans les yeux et la voilà endormie pour autant de temps que nous en avons besoin…"

Savinet. — Il endormait aussi la mienne.

Angèle, parlé. — Hein ! Quoi ?… Moi !… Oh ! le monstre ! Je comprends donc maintenant ces sommeils inexplicables !… J’étais… il me… Oh ! Le monstre !

Savinet. — Lisez ! Lisez la suite !

Angèle. — Non, non, je ne peux pas !

Elle lui donne la lettre.

Savinet, lisant, — "Rien, de la sorte ne peut troubler nos amours !"

Angèle. — Oh !

Savinet, lisant. — "Si tu savais comme je t’aime !"

Angèle, furieuse. — Comme je t’aime, tiens !