Follbraguet. — Oui. Ah ! c’est malheureux, tenez, que vous ne puissiez pas dire ça à ma femme.
Hortense. — C’est difficile !
Follbraguet. — Ce que je me suis tué à le lui répéter… Mais c’est plus fort qu’elle… Dès qu’il y a de la galerie, on dirait que ça l’aiguillonne… Si j’ai le malheur de lui dire une chose qui lui déplaît, je ne sais pas, que je n’aime pas sa robe ou qu’elle est mal coiffée. Ah ! là là, ce qu’elle peut m’en sortir sur moi, sur les miens : « Ah ! naturellement, tu aimerais mieux que j’aie l’air d’une grue, comme ta sœur ! »
Hortense. — Et Dieu sait que la sœur de Monsieur…
Follbraguet. — Enfin, vous étiez là, l’autre jour, quand elle m’a fait cette scène… (Sans transition.) Asseyez-vous donc !
Hortense. — Oui, Monsieur.
Follbraguet. — À propos de sa toilette… que je ne lui donnais jamais d’argent pour s’habiller, qu’elle n’avait rien à se mettre.
Hortense. — C’est insensé !
Follbraguet. — Enfin, vous en savez quelque chose. Vous savez tout ce que je paie, à tous moments, toutes les factures… et pourquoi ?… pour des futilités, des fanfreluches, comme dans votre livre.
Hortense. — Tulle, tulle, tulle, voilettes, tulle, tulle, tulle.
Follbraguet. — Oui.
Hortense. — Mais aussi, pourquoi Monsieur se laisse-t-il faire ?
Follbraguet. — Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ?
Hortense. — Dire une bonne fois : « En voilà assez ! je te donne tant pour ta toilette, et pas un sou de plus ! »
Follbraguet. — C’est très joli, mais quand les notes arrivent, les choses sont achetées.
Hortense. — Eh bien ! on dit : « Je regrette, je ne paie pas. » À la seconde fois, Madame se le tiendra pour dit.
Follbraguet, rêveur. — Évidemment…
Hortense. — Monsieur est trop bon, alors il est mangé !
Follbraguet. — Qu’est-ce que vous voulez ? Pour avoir la paix, vaut encore mieux y mettre du sien…
Hortense. — Ah ! à ce compte-là !…
Follbraguet. — Eh bien ! c’est ce que vous auriez dû faire aussi… au lieu de vous entêter à discuter.
Hortense. — Évidemment, Monsieur a meilleur caractère que moi.
Follbraguet. — Madame, au fond, elle est soupe au lait, mais si on ne lui tient pas tête… Je suis persuadé que demain… elle vous verra là, à votre service… elle ne se rappellera même pas qu’elle vous a congédiée.
Hortense. — Oui, mais que Monsieur comprenne… servir dans ces conditions-là…
Follbraguet. — Non, écoutez ! écoutez ! là, vous avez tort ! C’est vous, en ce moment qui avez la mauvaise tête !
Hortense. — Sentir qu’on ne vous est reconnaissant de rien ! Enfin, un exemple, Monsieur ; quand je suis entrée au service de Madame, je demandais soixante-dix francs… Madame m’a dit : « Non, soixante et, si, au bout de six mois, je suis contente de vous, je vous augmenterai de dix francs. » Pour ne pas discuter, j’ai accepté.
Follbraguet. — Eh bien ?
Hortense. — Eh bien, il y a huit mois que je suis ici et Madame ne m’a pas augmentée.