Page:Feydeau - Théâtre complet, volume 1, 1948.djvu/183

Cette page n’a pas encore été corrigée

Gabrielle. — Ah ! je compte sur le ciel !

Édouard, avec une moue. — Le ciel ? Oui, mais surtout sur le commissaire ! Songez donc ! Nous sommes absolument entre ses mains.

Gabrielle. — Oui ! qu’il ne se désiste pas et tout est perdu ! C’est la condamnation, l’infamie !… Mon mari apprend toute la vérité ! je suis mise au ban de la société ! Oh ! non ! non ! Des excuses, tout ce qu’on voudra ! Mais pas ça ! pas ça !

Édouard. — C’est pour cela que, quand M. Caponot va venir, il faudra être très aimable.

Gabrielle. — Oh ! n’ayez pas peur !

Édouard. Soyez plate.

Gabrielle. Oui, plate et digne ! Mais j’y pense ! Si on ne le laissait pas monter ! Le concierge ne sait pas que nous sommes là, il ne nous a pas vus passer.

Édouard. — C’est juste ! Il n’est jamais dans sa loge ! Je cours le prévenir !

Il sort en courant.

Gabrielle. — Oui ! C’est ça ! Allez ! allez !

Scène VIII

Gabrielle, puis Édouard et Caponot

Voix d’Édouard, au fond, comme quelqu’un qui s’est cogné contre un autre individu. — Oh ! (Entrant du fond à reculons, suivi de Caponot.) Mais pardon, monsieur, pardon, à qui ai-je l’honneur de parler ?

Caponot. — Je suis M. Caponot.

Édouard, devenant très aimable. — Le frère du commissaire ! Ah ! monsieur !…

Gabrielle, allant à lui très aimable. — Comme c’est aimable à vous de vous être dérangé.

Caponot, très grave, un parapluie horrible à la main. — Madame…

Édouard. — Oh ! d’ailleurs, on sait que M. Caponot est l’homme le plus aimable.

Caponot. — Monsieur…

Gabrielle. — Oh ! mais, son frère aussi !

Caponot. — Madame !…

Édouard. — C’est dans la famille ! (Avançant la chaise qui est à gauche de la table.) Mais asseyez-vous donc !

Gabrielle, en avançant une autre et la plaçant contre celle apportée par Édouard. — Non ! Sur celle-ci, vous serez mieux ! (Caponot hésite entre les deux chaises et pour ne pas faire de mécontents, s’assied moitié sur l’une, moitié sur l’autre.) Donnez-moi votre parapluie.

Caponot, assis. — Prenez-en bien soin, c’est un parapluie de famille.

Édouard. — Ça se voit !

Gabrielle. — Ah ! il est bien beau ! Il est bien beau !

Elle le pose sur la table.

Caponot, à part, — Ils sont très aimables !

Gabrielle. — Voyons, monsieur, nous n’avons pas de temps à perdre. Allons au fait ! Comme nous vous l’avons écrit, je vous fais toutes mes excuses…