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La grande foule et pas la foule habituelle
Hommes en habit noir, tenue officielle,
Qu’est-ce ? Dans tout le train, grande agitation.
C’était quoi ? Rien ! des gens en députation
Pour recevoir le corps d’un défunt anarchiste,
Président de leur club anti-légitimiste.
Moi, badaud, je me paie, en bon parisien,
Les obsèques gratis de ce grand citoyen.


Soudain l’on se découvre ; un cortège se forme,
Et le cercueil descend… Ciel j’en connais la forme :
« Ma malle c’est ma malle ! Eh là-bas un moment ! »
Je saute à bas du train et précipitamment
Sur ces gens stupéfaits et gardant le silence.
Furieux, sans chapeau, comme un fou je m’élance :
« Arrêtez ! c’est à moi ! » — Je saisis le cercueil. —
« Rendez-le moi ! »… Des gens ont des larmes à l’œil
Et tous de s’écarter avec respect. J’enrage ;
« Rendez-le moi vous dis-je. » Un vieux me fait : « Courage ! »
En me serrant les mains. « Mais voyons, c’est mon bien ! »
Et le monsieur ajoute « Ah vous l’aimiez donc bien ?
« Hélas c’est une perte immense, irréparable,