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LE BOURGEON
ÉTIENNETTE, avec un soupir d’amertume.

Je ne te juge pas mal, je te juge selon la nature des hommes. Crois-moi, mon cher aimé, (s’asseyant tout près de lui à sa droite.) il faut nous prendre pour ce que nous sommes : quelque chose, comme ces fleurs de luxe, voyantes et capiteuses, arrangées pour paraître, que l’on achète pour orner sa boutonnière, plus encore pour les autres que pour soi-même et que le soir venu, alors que déjà elles se flétrissent, on jette dans un coin, comme une chose dont on a pris tout ce qu’elle pouvait donner. La vérité, vois-tu, c’est la petite fleur, bien plus modeste, quelquefois sauvage, au parfum plus discret, mais si jolie ! si pure ! si délicate ! que votre œil découvre, que votre regard choisit et que votre main cueille sur la branche même qui l’a fait naître. Celle-là, vous l’aimez, parce que vous sentez que le premier vous l’avez vue, qu’elle n’est que pour vous. C’est cette petite fleur-là qu’il te faut, Maurice, cette petite fleur un peu sauvage, que ton œil n’a pas découverte et qui pourtant existe, ici, pas loin, à portée de ta main.

MAURICE, d’un ton presque bourru.

Quoi ? Qui ça ?