Page:Feydeau - La Lycéenne.pdf/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Alice.

Un nègre ?

Finette

Non, un peintre, un artiste ! Il s’appelle Apollon Bouvard. Je l’ai connu à la pension.

Berthe.

Vous aviez des garçons à votre pension ?

Finette.

Par exception. C’est lui qui peignait les fresques de la chapelle. Ah ! si vous aviez vu ça !

RONDEAU.
––––––Je le voyais à la chapelle,
––––––En l’air, étendu sur le dos,
––––––Et badigeonnant avec zèle
––––––La voûte à grands coups de pinceaux.
––––––Il était bien haut, mais qu’importe !
––––––Tout mon cœur monta jusqu’à lui…
––––––Et crac ! je m’épris de la sorte
––––––De ce bel homme en raccourci.
––––––Les yeux en l’air, avec extase,
––––––Je semblais implorer les cieux :
––––––« Non ; c’est lui qu’il faut que j’embrase. »
––––––Et je l’hypnotise des yeux !
––––––Qu’un regard peut être loquace !
––––––Rien qu’un coup d’œil, on s’est compris.
––––––Pan, dans l’orbite, de ma place,
––––––Et ça suffit, le voilà pris.
––––––Depuis ce moment, chaque messe
––––––Pour nous devient un rendez-vous ;
––––––Je l’aperçois même à confesse…
––––––Combien se confesser est doux !
––––––Et dès lors, le roman commence,
––––––Lui de là-haut, et moi d’en bas.
––––––Que nous importe la distance !
––––––En amour ça n’existe pas !