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heure, ne s’était pas fait une grande idée de la Juliette qui avait le vieux Lescande pour Roméo. Il éprouva donc une surprise agréable en reconnaissant que son ami était plus heureux à cet égard qu’il ne l’avait présumé.

— Je vais être grondé, mon ami, dit Lescande en riant de tout son cœur, et toi aussi... car tu restes à déjeuner avec nous, n’est-ce pas ?

Camors parut hésiter, puis brusquement :

— Non, ... non, ... impossible, mon ami... J’oubliais, ... je suis attendu.

Il voulut partir, mais Lescande le retint jusqu’à ce qu’il en eût eu obtenu la promesse de venir dîner le mardi suivant en famille, c’est-à-dire avec lui, sa femme et sa belle-mère, madame Mursois.

Cette invitation laissa un nuage sur l’esprit de Camors jusqu’au jour fixé. Outre qu’il n’aimait pas les dîners de famille, il se souvenait plus qu’il n’eût voulu de la scène du balcon. La bonhomie indiscrète de Lescande l’irritait et le louchait à la fois. Il se sentait appelé à jouer un sot rôle près de cette jolie femme, qu’il pressentait coquette, et que ses souvenirs d’enfance et d’honneur lui rendaient sacrée. Bref, il était d’humeur assez maussade quand il descendit de son dog-cart, le mardi soir, devant la petite villa de l’avenue Maillot.

L’accueil de madame Lescande et de sa mère lui remit un peu le cœur. Elles lui parurent être ce qu’elles étaient en effet, deux honnêtes personnes