Page:Feuillet - Monsieur de Camors, 1867.djvu/17

Cette page n’a pas encore été corrigée

Les faibles lueurs de l’aube passaient à travers les lames des persiennes. Un oiseau matinal commençait à chanter sur un marronnier voisin de la fenêtre. M. de Camors dressa la tête et prêta une oreille distraite à ce bruit qui l’étonnait. Voyant que le jour naissait, il plia avec une sorte de hâte les pages qu’il venait d’écrire, apposa son cachet sur l’enveloppe, y mit la suscription : Pour le comte Louis de Camors, — et se leva.

Grand amateur d’œuvres d’art, M. de Camors conservait religieusement un magnifique ivoire du xvie siècle, qui avait appartenu à sa femme : c’était un christ dont la blancheur mate se détachait sur un large médaillon de velours. Son œil rencontra la pâle et triste effigie : il l’y laissa attaché un moment avec une persistance étrange ; puis, souriant amèrement, il saisit un des pistolets d’une main ferme, et l’approcha de sa tempe : un coup de feu retentit ; la chute d’un corps pesant ébranla le parquet ; des fragments de cervelle s’agitèrent sur le tapis. — M. de Camors était entré dans l’éternité, son testament à la main.

A qui s’adressait ce document ? Sur quel terrain allait tomber cette semence ?

Louis de Camors avait à cette époque vingt-sept ans. Sa mère était morte jeune. Il ne paraissait pas qu’elle eût été particulièrement heureuse avec son mari. Son fils s’en souvenait à peine, comme d’une jeune femme jolie et pâle qui chantait à demi-voix pour l’endormir, et qui pleurait souvent. Il avait été