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AU SEIZIÈME SIÈCLE

Albert de Gondi, duc de Retz, et qui fut gouvernante des enfants de France, capable non-seulement de bien tourner les vers, mais initiée à l’étude des mathématiques, de la philosophie, de l’histoire ; elle s’exprimait avec éloquence en latin ainsi qu’en français, et lorsque les ambassadeurs de Pologne, en 1573, se présentèrent à Charles IX, elle traduisit à ce prince leur harangue latine et leur répondit dans la même langue ; Anne Séguier, mariée une première fois au petit-fils du chancelier Duprat, puis, en secondes noces, au sieur de Lavergne, nom qui devait être mêlé aux célébrités du grand siècle[1], et qu’elle illustrait dès lors par ses Poésies chrétiennes ; ses filles, Anne et Philippine Duprat, marchaient sur ses traces, accomplies comme elle d’esprit et de corps, selon La Croix du Maine[2] : ornements des cercles des Valois par cette instruction solide qui n’ôtait rien de leur agrément aux dames de la cour de France, elles n’excellaient pas moins que leur mère à parler leur langue ou à l’écrire.

Les femmes, comme on voit, disputaient avec ardeur aux hommes le prix du savoir ; elles briguaient surtout, et non sans succès, le prix de la poésie. Tandis que l’auteur dramatique Garnier se distinguait à Paris par ses tragédies imitées de l’antiquité classique, sa femme, Françoise Hubert, bien qu’elle ne publiât pas ses œuvres,

  1. Mademoiselle de Lavergne, qui devint madame de Lafayette.
  2. « Je m’assure, disait-il de l’une d’elles notamment (d’Anne Duprat), que tous ceux qui ont eu cet heur de la voir et de l’entretenir seront d’accord que la nature s’est étudiée en elle à produire ce qu’elle avait de plus beau et de plus recommandable. »