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JACQUELINE DE MIREMONT.

et du cœur humain, se rapprochent plus souvent qu’on ne pense, l’avarice et la prodigalité. Elle s’adresse d’abord à l’avare :


Tu es haï de tous comme un champ infertile,
Infracteur des édits que nature a dressés.
Qui peut aimer celui qui rend tout inutile,
Et quels biens a celui qui n’a jamais assez ?


Ensuite elle apostrophe le dissipateur :


S’il advient que, séduit par un dessein contraire.
Tu prodigues tes biens d’une excessive main,
Pauvret, c’est un métier qu’on ne peut longtemps faire :
Ce que l’on donne au soir manque le lendemain.

Tu ne peux pratiquer longtemps cet exercice :
Prodigue, ton état soi-même se détruit ;
Et, qui pis est, souvent c’est l’homme plein de vice
Qui de tes fous excès cueille le plus de fruit.

Tout l’heur que tu prétends par ta folle dépense
Cesse tout aussitôt que tu cesses d’avoir :
Donc, perdant par tes dons le don et la puissance,
Tu n’as plus de plaisir, n’ayant plus de pouvoir…


Avec quelques défauts du temps, surtout la recherche du trait, se montre çà et là dans ces vers une touche virile. Et ce mérite ne manque pas aux autres œuvres de l’auteur, parmi lesquelles il faut mentionner une pièce qui se trouve en tête d’un panégyrique du roi d’Écosse et d’Angleterre, Jacques VI.

À côté de Jacqueline de Miremont se rangent plusieurs dames, natives comme elle de Paris, et dont les talents s’y déployèrent, particulièrement Anne de Lau-