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JACQUELINE DE MIREMONT.

était originaire. L’article qu’il lui a consacré dans son manuscrit est du reste un des plus courts. On y voit seulement qu’elle appartenait à une maison noble, et que, douée d’autant de science que d’esprit, elle composa un assez bon nombre de vers. Son premier livre parut avec ce titre bizarre : le Petit nain qui combat le monde. Il fut suivi d’un poëme de plus longue haleine, la Part de Marie, sœur de Marthe[1], formé de quatrains héroïques, où Jacqueline de Miremont faisait tout à la fois l’éloge de la vie contemplative et attaquait non sans agrément, par l’arme du ridicule, les vices de tous les siècles et ceux de son temps en particulier. Ainsi débutait cette œuvre éminemment morale :


Le maître parle ici : Fuyez, soins inutiles,
Pensers soigneux du corps, délogez d’avec moi ;
Emportez vos pouvoirs dans les âmes débiles :
J’ai pour vous trop d’honneur ; j’ai pour vous trop de foi.

Le maître parle ici : Qui faut-il que j’écoute ?
Où doit viser mon œil ? où doit tendre mon cœur ?
Frivoles vanités, je vous fais banqueroute :
Montrez vos faux éclats au profane moqueur.


C’est avec ce ton mêlé de fermeté et d’aisance que l’auteur poursuit la corruption des mœurs, et plusieurs de ses quatrains ne sont dépourvus ni de véhémence ni d’effet. On en jugera par ceux où sont signalés deux vices, contraires en apparence, mais qui, comme le remarquait déjà Aristote, profond scrutateur de la nature

  1. Allusion à ces paroles de la sainte Écriture : Maria optimam partem elegit, quæ non auferetur ab ea.