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ANNE DE MARQUETS

ni les distractions ni les plaisirs permis. Les cellules ne se fermaient nullement aux visites ; celle d’Anne de Marquets, en particulier, n’était presque jamais solitaire ; les nouvelles de la ville et de la cour y avaient leur écho. On y plaisantait avec un enjouement sans malice ; telle était la société d’élite qui s’y réunissait et dont elle se trouvait le centre.

Cet empressement, qui n’échappa point, il est vrai, aux traits de la satire[1], s’expliquait très-naturellement par la réputation de la belle religieuse ; ainsi parlaient les contemporains, car à ses qualités sérieuses se joignaient tous les agréments de la personne. La vivacité, la grâce de son entretien, n’étaient pas douteuses ; son savoir l’eût été davantage, si l’on admettait sur elle l’opinion d’un très-habile connaisseur, mais aussi d’un très-malin critique, de Henri Estienne. Celui-ci prétendait qu’elle n’avait qu’une teinture médiocre du latin et plus encore du grec, s’étant vu obligé, disait-il, de prendre une peine extrême pour lui faire entendre son bréviaire. Mais est-il besoin de rappeler que l’auteur de l’Apologie d’Hérodote n’était pas toujours et pour tous également digne de foi ?

Son temps, en tout cas, lui accorda le mérite d’exceller dans la poésie française ; et lors même qu’à l’exemple de Colletet, assez sévère pour les dames auteurs, et particulièrement pour Anne de Marquets, on

  1. Dans une épître aux candides lecteurs, Anne de Marquets s’est fort bien défendue contre les propos d’un anonyme qui l’accusait de ne vivre séquestrée ni du monde ni des lettres, et dont elle s’attachait à prouver par représaille « que l’opuscule était dépourvu de savoir et de grâce. »