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ANTOINETTE DE LOYNES

réel de la misère créée dans ces pays par les discordes civiles !

Ni l’invention ni l’esprit, nous l’avons assez montré, n’ont donc manqué à Catherine et à sa mère, qui personnifient pour nous cette école où l’imagination, plus tempérée, est aussi plus réglée dans sa marche que chez quelques-unes des femmes du Midi : avec moins de vivacité et de couleur que sous la plume de Louise Labé et de Marie de Romieu, le langage semble également avoir, chez les dames des Roches, plus de clarté et de correction. Telle était la prétention hautement avouée du centre et du nord de la France, en particulier de l’Ile-de-France, dont la capitale sera réputée le siège du beau langage, non sans titre, comme le déclarait Henri Estienne ; et cette idée continuant à s’accréditer, le docte et judicieux Vaugelas proclamera bientôt, au dix-septième siècle, cette vérité passée à l’état d’axiome littéraire, c’est que les femmes d’une part, et de l’autre Paris, ont eu sur nos progrès intellectuels, et principalement sur ceux de notre idiome, l’influence la plus salutaire.

Parmi les femmes poètes natives de Paris et qui y florissaient alors, Antoinette de Loynes, l’une des plus renommées, se recommande en outre à notre attention par un trait de conformité avec Madeleine des Roches ; elle eut en effet trois filles que l’on a surnommées les trois perles du seizième siècle, en sorte que ses goûts et ses talents furent comme un patrimoine qui se conserva dans sa famille. Elle avait épousé Jean de Morel, poëte lui-même et orateur. Belle et ingénieuse, digne