Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
MADELEINE NEVEU

Il n’y a passion qui tourmente la vie
Avec plus de fureur que l’impiteuse[1] envie.
De tous les autres maux on tire quelque bien :
L’avare enchaîné d’or se plaît en son lien
Le superbe se fond d’une douce allégresse
S’il voit un grand seigneur qui l’honore et caresse.
Le voleur, épiant sa proie par les champs,
Sourit à son espoir, attendant les marchands ;
Le gourmand prend plaisir au manger qu’il dévore
Et semble par les yeux le dévorer encore…
Mais, ô cruelle envie, on ne reçoit par toi
Sinon le déplaisir, la douleur et l’émoi !
À celui qui te loge, ingrate et fière hôtesse,
Tu laisses pour paîment le deuil et la tristesse.


Aux vers assez bien tournés, qui continuent à marcher ainsi, se mêle un certain intérêt dramatique ; car Agnodice (mot composé du grec, comme on les aimait alors) est le nom d’une jeune personne accomplie qui s’est dévouée au service de son sexe et que l’envie furieuse a, par ce motif, voulu rendre sa victime. Ses coupables efforts ont été heureusement frappés d’impuissance ; mais la méchante, pour se consoler de ce qu’Agnodice avait échappé à ses coups,


A poursuivi depuis, d’une haine immortelle,
Les dames qui étaient vertueuses comme elle.


Si, en continuant la mention des œuvres de mademoiselle des Roches, on joint aux précédentes quelques

  1. Nous avons substitué impitoyable à impiteux, que l’on trouve aussi dans Marot, Montaigne, Régnier, etc. Mais il est d’un emploi moins commode dans la poésie.