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MADELEINE NEVEU

qu’elles avaient formé souvent, d’être réunies dans le tombeau comme elles l’avaient été durant leur vie. Par une inspiration prophétique, Catherine avait déclaré plus d’une fois qu’il ne serait pas même au pouvoir de la mort de les séparer l’une de l’autre.

Sous l’influence de ces tendres sentiments, elle échappa au pédantisme, cet écueil ordinaire des femmes auteurs ; elle demeura simple, malgré sa forte éducation, et, même dans un genre faux, elle ne manqua pas de naturel.

Nous la voyons en effet, par un singulier tribut payé au goût dominant, composer des vers d’amour, et s’ingénier à peindre une passion qu’elle n’a point connue. Dans la bouche de deux personnages romanesques de sa création, Sincéro et Charite, dont les noms indiquent assez les sentiments, elle a mis un grand nombre de chansons et de sonnets, où l’on trouve plus de naïveté que de mouvement et d’ardeur. Tel est ce langage de Sincéro à l’objet de son affection :


Ce qui me rend pour vous le cœur tout allumé,
Charite, mon doux feu, c’est qu’une même flamme
Embrase votre cœur, votre esprit et votre âme,
Et que je suis de vous uniquement aimé.

Je me sens très-heureux de me voir estimé
Par vos doctes écrits, et connais bien, ma dame,
Que vous pouvez ourdir une excellente trame
Qui rendra par vos vers mon renom animé.

Alceste racheta de son mari la vie,
Voulant mourir pour lui ; mais vous avez envie
De racheter la mienne avec plus heureux sort :