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MADELEINE NEVEU

 Pendant que ma triste pensée
De tant de maux publics grièvement[1] offensée,
Allait sur les autels, j’aperçus deux maisons,
Que j’avais au faubourg, n’être plus que tisons…
Ces maisons pouvaient bien valoir deux mille livres,
Plus que ne m’ont valu ma plume ni mes livres…


Ainsi avait-elle vu périr en un moment son peu de bien, et, par une humble requête, elle priait le roi de lui venir en aide dans ses traverses.

Son patriotisme lui donnait bien droit à cette protection royale : car plusieurs de ses pièces attestent qu’elle n’était étrangère à aucun des sentiments et des intérêts du pays, à aucune des gloires de son temps. Là elle s’attaque aux Anglais, dont on n’avait pas oublié les ravages ; elle les appelle le fléau capital du repos de la France, les contempteurs du vrai Dieu, les meurtriers de leurs rois.

Organe de l’opinion publique, elle admire avec la France le grand duc François de Guise, leur vainqueur. Mais peu après, lorsque la lutte s’est engagée entre la maison royale et celle de ce puissant seigneur, elle déplore les discordes qui déchirent la nation, livrée à l’esprit de révolte. Un de ses poèmes a pour sujet la perte d’un des chefs les plus illustres de nos armées, le comte de Brissac, poème où Colletet a signalé le mérite d’un style assez fleuri et assez relevé, mais où il faut louer surtout les plus honorables sentiments. C’est ce qui fait qu’un des contemporains de madame des Ro-

  1. On prononçait grévement.