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ET CATHERINE DES ROCHES

Sire, Trajan le Bon vous égale en prudence,
Mais vous le surpassez en sainte piété ;
Vous avez, jeune d’ans, sur le sceptre porté
Des plus rares vertus la plus digne excellence.

Plutarque prit Trajan dès sa première enfance ;
Le Phénix[1] Amyot vous a presque allaité :
Son nom est immortel pour sa grande bonté ;
Vous êtes admirable en douceur, en clémence.


Par malheur, Henri III ne mérita pas toujours cet éloge ; mais il y a quelque chose de touchant dans l’hommage où sont réunis le maître et l’élève, où l’éloge du traducteur de Longus et de Plutarque est associé à celui d’un prince que sa faiblesse seule entraîna au vice et même au crime. Ami des lettres et s’y connaissant, il était d’ailleurs prompt à encourager par ses largesses ceux qui les cultivaient. On peut croire que madame des Roches ressentit les effets de son humeur libérale : au moins ne nous laisse-t-elle pas ignorer qu’elle en éprouvait le besoin ; car beaucoup de ses sonnets ne sont que des complaintes sur sa mauvaise fortune ; et son ton, nous l’avons déjà indiqué, est le plus souvent celui de la douleur. Il est certain que dans l’époque agitée où elle vécut, elle ne put échapper aux coups de l’adversité. Les guerres civiles troublèrent sa vie comme celle de tant d’autres. Dans une de ses épîtres, madame des Roches nous entretient des dommages qu’elles lui avaient causés :

  1. On n’ignore pas que Phœnix est, dans Homère, le nom du précepteur d’Achille. Quant à la tradition qui fait de Plutarque le précepteur de Trajan, elle n’est pas conforme à la vérité historique.