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ET CATHERINE DES ROCHES

peint dans ce sonnet, où elle regrette une amie qu’elle a perdue :


Las ! où est maintenant ta jeune bonne grâce
Et ton gentil esprit plus beau que la beauté[1] ?
Où est ton doux maintien, ta douce privauté ?
Tu les avais du ciel, ils y ont repris place.

Ô misérable, hélas ! toute l’humaine race
Qui n’a rien de certain que l’infélicité !
Ô triste que je suis ! ô grande adversité !
Je n’ai qu’un seul appui en cette terre basse.

Ô ma chère compagne et douceur de ma vie,
Puisque les cieux ont eu sur mon bonheur envie,
Et que tel a été des Parques le décret,

Si, après notre amour, le vrai amour demeure,
Abaisse un peu tes yeux de leur claire demeure,
Pour voir quel est mon pleur, ma plainte et mon regret !


À défaut de bonheur, Madeleine Neveu eut du moins une réputation sans tache, qui, de sa province, passa dans toute la France. Prononcer son nom, dit Colletet, « c’était non-seulement prononcer un nom vertueux, mais le nom même de la vertu. » Aux qualités du cœur se réunissaient chez elle de rares facultés d’esprit, que le travail et l’instruction ne contribuèrent pas peu à fortifier. Elle savait, ce qui était d’ailleurs ordinaire à la plupart des femmes qui ont cultivé les lettres de son

  1. La Fontaine, qui prenait, comme son ami Molière, son bien où il le trouvait et qui le prenait en maître, c’est-à-dire qui perfectionnait tout ce qu’il empruntait, a dit dans son poëme d’Adonis :
    Et la grâce, plus belle encor que la beauté.