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GABRIELLE DE COIGNARD.


Sous la sainte faveur je veux prendre carrière
À chanter les exploits d’une belle guerrière,
Étoile de son temps, qui sans cesse reluit
D’un éclat flamboyant dans la plus sombre nuit.
Toi, par qui sont toujours sous divers tons unies
De ce grand univers les hautes harmonies,
Accorde mon esprit aux célestes accords ;
Seigneur, fais que ma voix puisse pousser dehors
Et mille et mille vers, saints concerts de ta gloire,
Chantant avec Judith l’hymne de la victoire.
Tu t’es voulu servir de son bras délicat,
Toi qui pouvais chercher un foudroyant éclat.


« Et le reste va du même air chez Gabrielle de Coignard, » ajoute son biographe Colletet, qui se plaît à louer ses compositions comme bien imaginées, pathétiques, remarquables par la douceur et la beauté du langage. Quelques-uns des accents qui précèdent rappellent en effet la pensée et la langue de Malherbe.

Quant aux sonnets, qui dépassent le nombre de cent cinquante, le suivant donnera une idée du ton qui y domine et de leur versification :


Cheminant lentement j’erre par un bocage,
Cherchant pour mon repos quelque ombrageux hallier
D’aubépin fleurissant, de chêne ou de peuplier[1],
Où le gai rossignol fredonne son ramage.

Là je veux arroser de larmes mon visage,
Pour adoucir le mal que je veux oublier ;
Aux vivants je ne veux ma douleur publier ;
Je la veux enterrer en ce désert sauvage.

  1. La finale ier dans ces noms, ainsi qu’on l’a vu déjà plus haut, ne formait qu’une syllabe et se prononçait comme dans altier.