Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
GABRIELLE DE COIGNARD.

occupée de donner aux deux filles qu’elle avait eues de son mariage une éducation fondée sur la piété, elle charmait sa solitude en composant des pièces religieuses, dont l’accent grave offre un frappant contraste avec la fougue passionnée de Louise Labé. Tandis que celle-ci, toute aux joies des sens et de la terre, semble n’avoir de voix que pour les chanter et pour convier à en jouir, l’autre, comme inspirée d’un esprit nouveau, représente cet élément spiritualiste qui a déjà une large place dans le seizième siècle, et qui devait dominer dans le suivant. L’objet unique de presque toutes ses poésies est d’exprimer les pensées chrétiennes qui remplissaient en effet son cœur. La contemplation de la sagesse et de la bonté de Dieu, la méditation de ses commandements, telle est la source qui les alimente.

La modestie de cette dame égalait d’ailleurs son mérite : loin de se prétendre supérieure aux autres, elle disait souvent qu’il n’y avait qu’une science véritable, celle du salut et des moyens de le faire ; ou plutôt que c’était tout connaître que de ne pas les ignorer. D’après cela, on ne peut être surpris que ses ouvrages n’aient paru qu’après sa mort et par les soins de ses enfants[1]. C’est un recueil d’odes, de stances, de sonnets et autres poëmes plus étendus, tous également tirés des livres saints. L’une de ces pièces a pour sujet le dévouement de Judith ; voici l’invocation qui en forme le début :

  1. Œuvres chrétiennes de feue dame de Gabrielle de Coignard, in-12, 1595.