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MARIE DE ROMIEU

Combien heureuse et grande me dirais !
Certes, déesse être me cuiderais[1],
Mais, pour me voir contente à mon désir,
Dois-je aux neuf sœurs faire un tel déplaisir
D’enlever cil qui les sert à leur gré,
Et fait honneur à leur haut chœur sacré ?
Non, non ; qu’il aille aux neuf muses servir,
Sans se vouloir dessous moi asservir,
Sous moi, qui suis sans grâce et sans mérite.


Un caractère des œuvres de Pernette du Guillet, où la langue italienne se mêle parfois à la langue française, c’est la variété. Elle ne s’y borne pas, comme on le faisait trop volontiers de son temps, à chanter l’amour ; elle chante également l’amitié. En général même, ses sujets ont un caractère philosophique qui témoigne du tour sérieux de son esprit, et qui répondait à sa vie. Ses contemporains attestent qu’elle fut sans tache, malgré les séductions du monde, où Pernette vivait fort recherchée. Aussi furent-ils unanimes pour rendre hommage à sa mémoire. Parmi les éloges posthumes dont elle fut comblée, on remarquera l’épitaphe que lui consacra Maurice Scève, et où il célébrait :


L’heureuse cendre autrefois composée
En un corps chaste où vertu reposa.


Ce même accord de la vertu et du talent se rencontre dans Marie de Romieu, du Vivarais[2], que nous join-

  1. Cuider (cogitare), croire, s’imaginer, présumer.
  2. De là, après son nom, la qualification de Vicaraise dans le titre de son ouvrage. — C’est ainsi que la division en provinces de notre ancienne France, en ajoutant à l’importance de leurs centres principaux, créait une émulation qui n’était pas stérile pour les lettres.