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LOUISE LABÉ.

Le temps met fin aux hautes pyramides ;
Le temps met fin aux fontaines humides ;
Il ne pardonne aux braves colysées ;
Il met à fin les villes plus prisées ;
Finir aussi il a accoutumé
Le feu d’amour, tant soit-il allumé :
Mais las ! en moi il semble qu’il augmente
Avec le temps, et que plus me tourmente.


De là des médisances ou des calomnies, propagées surtout par les femmes, à qui Louise, de son côté, n’épargnait pas la satire, en leur faisant la leçon sur leur insouciance à s’instruire, la frivolité de leurs occupations, le peu de ressources qu’offraient leur société et leur esprit. Elle crut même devoir répondre, en faisant son apologie, aux malins discours qui l’attaquaient. C’est là le sujet de sa troisième élégie, qu’elle adresse « aux Lyonnaises, » et où elle les invite d’un ton légèrement railleur à se montrer moins rigoureuses à son égard ; elle ne se refuse pas toutefois, par un désir de conciliation, à faire l’aveu de ses faiblesses, en les imputant à l’amour, dont elle célèbre d’après son thème usité, la souveraine, l’invincible puissance.

Les élégies sont suivies des sonnets, où se peignent également les ardeurs, les agitations de l’amour ; témoin cette image qu’ils en offrent et qui ne manque pas de vérité :


Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure ;
La vie m’est et trop molle et trop dure ;
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.