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PIERRE RAMUS.

montrerait seule combien il était systématique et radical. Novateur en religion comme dans tout le reste, il parut, même dans l’indépendance du parti protestant, d’une indiscipline compromettante. Théodore de Bèze le redoutait « comme un homme toujours prêt à porter le trouble dans ce qui était le mieux ordonné ; » c’est ce qui fait que Bayle a prétendu qu’il ne voulait rien moins que se rendre chef de parti, en changeant la constitution des Églises réformées. Sur ces imputations plus ou moins fondées, quelques-uns, en jouant sur son nom, l’ont appelé le rameau de Mars.

Ainsi, par son antipathie pour la tradition et la règle, Ramus fomentait à son insu cet esprit de division, source de nos guerres civiles, qu’il détestait en bon citoyen. Hâtons-nous de constater que beaucoup de vertus privées rachetaient chez lui cette indocilité d’humeur que la polémique crée ou développe, ce caractère absolu et impérieux qui lui faisait exclure l’idée de tout ménagement, de tout accommodement, cette impatience de la contradiction qui le rendait irritable, opiniâtre, emporté même, dans la défense de ses opinions. Au fond, il était fort inoffensif ; mais d’un tempérament sérieux, il n’admettait guère, sans doute à cause de ses longs et rudes efforts de tous les temps, cet enjouement familier, cette gaieté badine, ordinaires chez ses contemporains. D’une pureté de mœurs irréprochable (sa vie fut vouée au célibat, alors prescrit aux principaux des collèges), il se montra toujours bon fils, bon frère, fidèle à ses amis, compatissant pour leurs besoins, charitable pour les malheureux, particulière-