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PIERRE RAMUS.

Lancelot, le maître de Racine, n’a pas craint d’accorder à Ramus l’éloge d’avoir renouvelé ce triple enseignement.

Le mérite de Ramus comme humaniste ne ressort pas seulement de plusieurs de ses livres, mais de la manière dont ils sont écrits en général. Il manie avec habileté notre idiome encore dans son enfance ; et, le latin, qui est pour lui comme une autre langue maternelle, il le possède en maître ; il s’en sert avec autant de pureté que d’élégance. Qualité rare dans son siècle, Ramus connaissait tout le prix de la perfection, et il la cherchait. C’était un juge difficile pour les autres ; mais il l’était encore plus pour lui-même, se corrigeant sans cesse et exerçant sur lui, tout le premier, la critique clairvoyante qui le rendait si redoutable.

Cette excellente latinité recommande en particulier le Ciceronianus (c’est la vie de l’orateur romain, entremêlée de jugements sur ses œuvres et d’une discussion des règles de l’éloquence) ; un traité sur la rhétorique et sur Quintilien ; deux autres traités, l’un sur les mœurs des anciens Gaulois, l’autre sur la milice de Jules César : singulière preuve du goût de ce siècle pour les encyclopédies, qu’un homme de collège s’occupant de tactique ; ce qui semblait alors tout naturel. Ramus a même écrit sur l’arithmétique, la géométrie,

    dont Voltaire s’est moqué plaisamment, celle de la prononciation des mots latins quisquis et quanquam. Il y en avait qui voulaient dire à tout prix kiskis et kankan ; et c’est de là que nous est venu, assure-t-on, le mot cancan, pour désigner un propos que l’on colporte, une affaire qui fait du bruit.