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LOUISE LABÉ.

montrer combien on doit être heureux de lui plaire, combien sa conquête est convoitée et digne d’envie :


Goûte le bien que tant d’hommes désirent,
Demeure au but où tant d’autres aspirent,
Et crois qu’ailleurs n’en auras une telle :
Je ne dis pas qu’elle ne soit plus belle,
Mais que jamais femme ne t’aimera
Ni plus que moi d’honneur te portera.
Maints grands seigneurs à mon amour prétendent
Et à me plaire et servir prêts se rendent ;
Joûtes et jeux, maintes belles devises
En ma faveur sont par eux entreprises ;
Et, néanmoins, tant peu je m’en soucie
Que seulement ne les en remercie :
Tu es, toi seul, tout mon mal et mon bien ;
Avec toi, tout ; et, sans toi, je n’ai rien.


On conçoit que ces vers d’un ton nerveux et franc, pleins de naturel et d’une grâce émue, aient fourni quelques prétextes aux censeurs de Louise, qui donne ensuite la date de sa pièce en nous apprenant son âge :


Je n’avais pas encore vu seize hivers
Lorsque j’entrai en ces ennuis divers ;
Et jà voici le treizième été
Que mon cœur fut par l’amour arrêté.


C’était en 1555, et l’auteur avait vingt-neuf ans. Là, elle continue à se représenter, ainsi qu’elle l’a fait ailleurs, comme victime de l’impérieux besoin d’aimer ; elle se plaint que le penchant qui la domine n’ait cessé d’acquérir des forces.