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PIERRE RAMUS.

Ainsi, dans ces expulsions successives de la capitale, le voit-on à Fontainebleau, où Charles IX lui avait donné asile ; puis à Saint-Denis, dans le camp du prince de Condé ; ensuite en Allemagne. Souvent l’étranger a su apprécier mieux que nous nos hommes illustres. Persécuté en France, Ramus put l’éprouver dans son voyage au-delà du Rhin, où presque partout il trouva l’accueil le plus empressé et le plus flatteur (1568). Partout aussi il marquait sa trace en déposant dans les esprits le germe d’un enseignement efficace, et on le saluait du nom de Platon français.

Malgré ces témoignages d’une sympathie qui allait jusqu’à l’admiration, Ramus était rappelé, par l’ardeur de ses sentiments patriotiques, dans son pays, où il rentra en 1570. Un instant l’académie de Paris sembla se réjouir « d’avoir recouvré son orateur, son philosophe, son ornement et sa gloire. » Mais, fortifiés par son absence même, ses ennemis veillaient ; ils ne le laissèrent pas jouir d’un long repos. Plût à Dieu que les dégoûts dont on l’abreuva l’eussent averti du sort qui lui était réservé ! Par malheur Ramus, étranger à la crainte, se refusa aux conseils de ceux qui le pressaient de pourvoir à son salut en s’éloignant de nouveau, et il fut une des victimes du massacre de la Saint-Barthélémy (août 1572).

Son rival le plus passionné, son ennemi le plus acharné de tous les temps, Jacques Charpentier (tout parut alors l’accuser de ce forfait) passa pour avoir soudoyé les bras qui le frappèrent. Sa fureur, en tous cas, fut servie à souhait ; car la mort seule ne suffit pas