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PIERRE RAMUS.

combattait tous les abus. Les patrons de ces abus devaient lui rendre guerre pour guerre. Vers ce moment même, les dissensions religieuses, qui créaient dans la France deux partis et deux camps, vinrent envenimer les ressentiments privés en les confondant avec les querelles publiques, et en mettant à leur disposition des armes plus redoutables.

À cette époque où, par une prévention étrange, on regardait encore la doctrine d’Aristote comme intimement liée à celle du catholicisme, Ramus avait été bientôt poussé, par la suspicion même dont il était l’objet, dans les rangs de la réforme, contagieuse pour les savants. Dès lors son histoire est tristement mêlée à celle de nos guerres civiles. Elles le chassent de Paris où ne le ramènent qu’en passant les trêves éphémères qui les interrompent. Temps funeste à la méditation et au travail, dont il nous reste cependant des monuments si multipliés de haute érudition et d’activité laborieuse ! C’est que la vigueur des âmes réagissait contre les maux particuliers et publics. L’enthousiasme de la science abaissait tous les obstacles. Vainement, à son retour, Ramus ne trouvait plus ses papiers et ses livres, qu’avait dispersés le pillage[1]; avec une résignation ou plutôt un courage à toute épreuve, il reprenait ses leçons, ses œuvres interrompues, jusqu’à ce qu’un nouvel orage le forçât à fuir sa demeure.

  1. Le reste de la bibliothèque de Ramus fut pillé après sa mort. Formée avec beaucoup de soin et même acquise à grands frais, elle n’était pas loin de pouvoir lutter avec la richesse mémorable de celle que possédait l’historien de Thou.