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PIERRE RAMUS.

la routine, ayant à leur tête Govéa, le traduisirent comme un séditieux et un impie devant le parlement ; et tel fut le retentissement de l’affaire, que François Ier, alors très-peu partisan des innovations, l’évoqua à son conseil. À la suite d’un débat dérisoire où il n’eut pas la liberté de se défendre, Ramus, déclaré, par un arrêt royal, téméraire, arrogant et impudent, se vit doublement réduit au silence sur ces matières, pour n’avoir point été de l’avis d’Aristote : car on lui défendait de parler ou d’écrire contre ce philosophe, sous peine de punition corporelle. L’activité d’esprit de Ramus prit donc une autre direction : il se livra à l’étude des mathématiques, qu’il fut promptement capable d’enseigner d’après les Éléments d’Euclide, dont il publia une édition. Il donna de plus, au collège de Presles, dont il était devenu le principal, des leçons de rhétorique ; et l’empressement du public à ses deux cours fut de nature à le consoler des attaques que ne se lassaient pas de renouveler ses ennemis.

La mort de François Ier fit cesser un moment leurs clameurs ; car elle plaçait sur le trône un prince qui montra toujours des dispositions bienveillantes pour Ramus. Non content de lui avoir rendu dès le commencement de son règne la liberté de parler et d’écrire selon ses sentiments, Henri II donna, quelques années après, une autorité plus grande à sa parole, en le créant professeur de philosophie et d’éloquence au collège de France (1551). Ramus pouvait sur ce théâtre digne de son mérite, en étendant son influence, déployer sa véritable supériorité ; car, selon la remarque de M. Wad-