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PIERRE RAMUS.

Par le triomphe d’une énergique volonté, il trouva dans la capitale le moyen de se soutenir en étudiant. Le jour, il était aux gages d’un maître qu’il servait ; la nuit lui restait pour son travail personnel. Un tel travail, poussé avec la fougue que suppose cette vie de sacrifice ne pouvait être stérile. Le jeune Ramus ne tarda pas à montrer ce qu’il était, surtout à annoncer ce qu’il devait être un jour. Ce fut au collège de Navarre qu’il acheva le cours laborieux de ses études, dans ce collège qui compta pour élèves, vers la même époque, le duc d’Anjou, Henri de Guise, Henri de Navarre, et ensuite Richelieu et Bossuet. Grâce à cet enseignement, le plus renommé du temps, il fut bientôt capable d’abandonner son labeur servile pour gagner, en enseignant à son tour, un plus noble salaire.

Mais l’ambition de Ramus allait au delà de ce but, et son esprit n’était pas tel qu’il pût s’emprisonner dans la tradition. C’était un de ces avant-coureurs qui, avec plus ou moins de sûreté, s’engagent dans des voies inconnues, et qui, s’ils ne trouvent pas eux-mêmes la vérité, par le goût d’investigation qu’ils répandent, mettent du moins sur la route qui conduit à la découvrir.

Le moyen âge, on le sait, avait juré par Aristote et presque associé son infaillibilité aux destinées de la religion chrétienne. Quel étonnement dut se manifester, quel bruit éclater dans les écoles, lorsqu’on apprit que, pour devenir maître ès arts (1536), un jeune homme obscur s’était appliqué dans sa thèse à prouver que le philosophe de Stagyre, objet d’un culte universel, avait,