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LOUISE LABÉ.

Telle j’ai vu qui avait en jeunesse
Blâmé amour, après, en sa vieillesse,
Brûler d’ardeur et plaindre tendrement
L’âpre rigueur de son tardif tourment.
Alors de fard et eau continuelle
Elle essayait se faire venir belle,
Voulant chasser le ridé labourage
Que l’âge avait gravé sur son visage…
Mais, plus était à son gré bien fardée,
De son ami moins était regardée.


Ignore-t-on d’ailleurs les caprices de la passion qui se joue de nos tourments ?

Tel n’aime point, qu’une dame aimera ;
Tel aime aussi, qui aimé ne sera.


Louise Labé, après s’être ainsi recommandée à l’indulgence dans sa première élégie, donne dans la seconde un libre cours à l’ardeur de ses tendres sentiments. Elle soupire après son ami absent, qu’elle rappelle de tous ses vœux :


D’un tel vouloir le serf point ne désire
La liberté, ou son port le navire,
Comme j’attends, hélas ! de jour en jour,
De toi, ami, le gracieux retour.


Pourquoi, se demande-t-elle avec alarme, pourquoi de si longs délais ? Aurait-il oublié ses promesses et trahi sa foi ? Elle se refuse à le croire. Sans doute qu’il est retenu loin d’elle par la maladie ? Mais bientôt, cette crainte cédant la place à sa première appréhension, qui renaît, entendons-la se prévaloir de sa renommée pour