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Je m’aperçus que soudain me vint prendre
Le même mal que je soulais[1] répandre,
Qui me perça d’une telle furie
Qu’encor n’en suis après longtemps guérie.


C’est à son sexe principalement que Louise Labé demande pour ses maux pitié et sympathie :


.... Dames, qui les lirez,
De mes regrets avec moi soupirez.
Quelque rigueur qui loge en votre cœur,
Amour s’en peut un jour rendre vainqueur[2].


Leur intérêt suffit donc pour les rendre indulgentes ; et elle n’a pas de peine à le prouver :


N’estimez point que l’on doive blâmer
Celles qu’a fait Cupidon enflammer ;
Autres que nous, nonobstant leur hautesse,
Ont enduré l’amoureuse rudesse.
Leur cœur hautain, leur beauté, leur lignage,
Ne les ont su préserver du servage
Du dur amour : les plus nobles esprits
En sont plus fort et plus soudain épris.


N’est-il pas arrivé que des héroïnes, telles que Sémiramis, ont été vaincues tout à coup par l’amour ? En exprimant cette idée avec verve, Louise Labé montre que nulle n’est à l’abri de ses atteintes, eût-elle passé l’âge d’aimer et surtout d’être aimée :

  1. Solebam : j’avais coutume de…
  2. L’alternative des rimes masculines et féminines n’était pas encore en usage, ou du moins passée à l’état de règle, de loi prosodique.