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GUILLAUME BUDÉ.

nous n’avons pas tout reçu du dehors ; notre terroir avait aussi sa fertilité propre, et d’heureuses semences y germaient avant que le réveil classique eût hâté leur développement. Sans doute à cette école ouverte au génie de tous les âges, comme l’a dit M. de Rémusat, il faut payer un large tribut de reconnaissance ; mais ne soyons pas ingrats envers nos pères. Les chefs-d’œuvre de la Grèce ne pouvaient guère nous présenter aucune idée que notre littérature, sans grâce et sans éclat, mais non sans richesse, n’eût dès longtemps mise en circulation. Scot Érigène, Bernard de Chartres, Jean de Salisbury, Abélard, saint Thomas d’Aquin, le grand Gerson, ignoraient-ils rien de ce que Y hellénisme, comme le prétend M. Rebitté, apprit au seizième siècle ? Sans forcer la signification des mots, sans dénaturer la vérité des choses, il suffit certes de dire, pour la gloire de Budé, que plus qu’aucun des hommes qui l’avaient précédé ou de ses contemporains, plus même à lui seul que l’Université de Paris tout entière, il répandit à travers la France le courant fécond des études grecques.

On a vu que la conscience de cette grande mission qu’il s’était assignée soutint jusqu’au bout son zèle et son courage : elle lui fit braver et vaincre les obstacles multipliés que l’ignorance et le faux zèle, toujours soupçonneux, amoncelaient devant lui. Montrer surtout, pour gagner à l’objet de son culte la sympathie publique, combien les préceptes de l’antique sagesse se concilient heureusement avec les règles de notre sainte religion, ce fut l’objet constant de ses efforts.