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GUILLAUME BUDÉ.

de Budé, le trésor de l’hellénisme, retrouvé récemment, nous enlèvera à l’humble sphère où les intelligences languissaient captives ; la littérature grecque rendra aux mœurs leur élégance perdue, aux esprits leur ressort et leur puissance ; partout, dans la France, l’éducation publique fera pénétrer avec elle le goût et le sentiment du beau, dont les écrits de tant de grands hommes sont à jamais dépositaires. C’est sur la foi de cette espérance que Budé s’avance dans ces régions inexplorées, pour nous en rapporter les richesses dont notre civilisation naissante a besoin pour se développer. Apôtre de la philologie, il lui décerne dans son enthousiasme le titre de divinité (numen philologiæ) ; il veut qu’elle soit la bienfaitrice de sa patrie et des temps modernes.

Nous le remarquerons toutefois, l’auteur semble donner une trop vaste compréhension au mot d’hellénisme. Pour lui, il représente les lumières du monde moderne émancipé ; il renferme tous les éléments du progrès social, dont le succès de Gargantua et de Pantagruel est à ses yeux un éclatant manifeste ; c’est le libre examen, la forme et l’idée, enfin l’esprit philosophique. Mais quoi ! si la clarté ne nous était venue de la Grèce, demeurions-nous donc plongés dans les ténèbres, et n’y avait-il que ce point d’où pût descendre sur nous un rayon sauveur ? Croire que la renaissance ne s’est produite qu’à la faveur de ce commerce renoué avec l’antiquité, n’est-ce donc pas méconnaître d’autres influences non moins efficaces, en particulier la force incontestable d’un sol naturellement généreux ? Non,