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GUILLAUME BUDÉ.

Colloques, par exemple, dont vingt-quatre mille exemplaires furent enlevés l’année même où ils parurent (1522), quelle verve d’imagination moqueuse, quelle supériorité de raison ! Les abus que ce livre attaquait ont péri, et cependant il a encore, il aura toujours des lecteurs. M. Rebitté n’a garde de vouloir en rien rabaisser la gloire d’Érasme ; il a étudié avec beaucoup d’intérêt la figure de cet homme illustre, investi d’une sorte de royauté intellectuelle, et qui, en traitant pour ainsi dire sur un pied d’égalité avec tous les trônes de l’Europe, inaugurait la puissance de l’esprit dans notre société moderne ; mais son admiration pour Budé aspire à l’élever jusqu’au niveau de ce grand génie : il croirait même volontiers que Budé a eu sur la marche du siècle plus d’influence qu’Érasme, « qui n’a pas su trouver un point d’appui. » C’est là se méprendre étrangement. Ne sait-on pas que, recherché, attiré partout, mais craignant de trouver partout des entraves pour son indépendance, le précurseur de Bayle et de Voltaire employa sa vie à porter de tous côtés ses pas et ses talents, en jetant çà et là des germes d’idées nouvelles que devait féconder l’avenir ? Sans revêtir nulle part un rôle officiel et systématique, doué d’un haut degré d’initiative, il fut en effet, après Luther, le véritable novateur de son temps.

On ne peut donc, sur ce qui concerne Budé, partager l’opinion du seizième siècle ni celle de son nouveau biographe. Quelque estime qu’ils aient méritée, ses ouvrages, on doit le reconnaître, n’étaient pas de ceux qui, dans leur forme primitive, survivent à l’âge qui