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LOUISE LABÉ.

aurait point d’amour, à ce que Mercure prétend nous prouver, s’il n’y avait point de folie. Ainsi et longuement discutée, l’affaire se termine par une fin de non-recevoir qu’employaient volontiers nos anciens parlements, lorsqu’ils ajournaient les jugements d’une manière indéfinie et souvent à tout jamais. Celui-ci est remis « à trois fois sept fois neuf siècles. » Mais il est prescrit aux deux parties de vivre dans l’intervalle en bon accord et sans s’outrager, « la Folie menant l’aveugle Amour et le conduisant partout où bon lui semblerait. »

Cette invention gracieuse, qui témoigne assez du goût de nos ancêtres pour les fictions allégoriques, était sans doute un emprunt fait par Louise Labé à nos anciens fabliaux. Il lui reste du moins en propre, avec l’agrément des détails, celui d’un style pur et facile, élégant et soutenu pour l’époque. À ce mérite se joint, dans ses vers, une inspiration remarquable. Telle est même la sincérité de leur accent, tel est le feu qui les anime, qu’elle a pu dire sans trop d’exagération qu’Apollon lui avait donné la lyre de Sapho pour chanter des plaisirs et des peines qui ne lui étaient pas inconnus. Car, après lui avoir emprunté des armes, grâce à ses yeux,

...... Dont tant faisait saillir
De traits à ceux qui trop la regardaient
Et de son arc assez ne se gardaient,


l’Amour est venu l’attaquer elle-même pour la punir des larmes qu’elle avait fait couler :