Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
353
GUILLAUME BUDÉ.

parmi nous. Il a marqué la date précise de ces publications successives, si rares, si lentes dans le principe. Par là il nous met à même de juger quelle est la part qui revient légitimement à Budé dans le progrès général.

En réalité, au commencement du seizième siècle on n’éditait en France que fort peu de grec. Les passions qui s’étaient liguées contre cette nouvelle branche d’études avaient encore toute leur âpreté et toute leur violence. Dans l’absence presque totale de textes, à peine pouvait-elle donc exister. Les plus excellents maîtres, si l’on en croit du Verdier[1], rencontraient-ils quelques mots grecs, ils passaient outre, se lavant les mains de leur ignorance : Grœcum est, disaient-ils ; non legitur. Galland, dans son oraison funèbre de François Ier, composée en latin, a confirmé ce témoignage. Qui donc, demande-t-il, possédait, au début du règne de ce prince, non pas une teinture superficielle, mais les éléments de la langue grecque, ou plutôt, qui savait la lire ? « Quis grœce, non dicam intelligere, scribere aut loqui, sed legere, primis duntaxat cognitis elementis, didicerat ?  »

Ce n’est pas que l’étude du grec eût complètement disparu en Europe au moyen âge. Des lexiques manuscrits qui nous restent de cette époque, des traductions de latin en grec et de grec en latin, attestent que cette chaîne de savoir et d’enseignement n’y fut pas interrompue. Dans plusieurs monastères, notamment celui

  1. Voyez la préface de sa Bibliothèque.