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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

reux de pouvoir songer aux péchés qu’il a commis, ou plutôt que la guerre lui a fait commettre, lui qui de son naturel n’était pas adonné à mal faire, » effrayé en outre à l’aspect des fléaux qui demeurent suspendus sur le pays, la pensée lui vient d’aller ensevelir ses derniers jours dans quelque sainte retraite. « Il me ressouvenait toujours, dit-il, d’un prieuré assis dans les montagnes, que j’avais vu autrefois, partie en Espagne, partie en France, nommé Sarracoli. J’avais fantaisie de me retirer là en repos. J’eusse vu la France et l’Espagne en même temps. Et si Dieu me prête vie, encore je ne sais que je ferai. »

En tout cas, après un dernier coup d’œil jeté sur sa longue et laborieuse carrière, Montluc, en terminant son ouvrage, si plein de sanglants récits, s’applaudit « de ce peu de repos qu’il a ensuite trouvé dans sa maison, » et qui lui permet « d’avoir loisir de demander pardon à Dieu des offenses qu’il a commises. » C’est ainsi que le sentiment religieux était toujours le dernier sentiment, la dernière passion même de ces hommes du seizième siècle, dont la vie avait été agitée de tant de passions et soumise à tant d’épreuves. Ce goût de calme et de solitude, si soudain dans cet homme d’action, cette idée mélancolique qui s’empare de ce fougueux et violent esprit, ce dégoût de l’agitation et du passé, qu’est-ce autre chose que l’atteinte du remords, sentiment qui s’étonne de pénétrer dans une telle âme, et qu’elle-même ne peut d’abord reconnaître ? On aime du moins à penser que la morale et la justice reçoivent ainsi leur sanction tardive,