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LOUISE LABÉ.

garoux, étrangers à l’amour, ou plutôt renfermés tout entiers dans l’amour d’eux-mêmes, que leur égoïsme condamne à vivre dans le plus triste isolement : « Gens plus fades à voir qu’un potage sans sel à humer. » Ce que les ressources de la toilette, dans leur ingénieuse variété, ajoutent aux attraits de la beauté est fort bien marqué aussi par la plume délicate de Louise Labé. Bref, Apollon, dans sa plaidoirie pour son client, établit d’un ton parfois un peu pédantesque, mais le plus souvent avec bonheur, « que l’Amour est cause aux hommes de gloire, honneur, profit, plaisir, et tel que sans lui ne se peut commodément vivre. » Mais qu’arrivera-t-il, demande en concluant l’orateur, si l’Amour demeure privé de la vue ? Guidé par la Folie, n’est-il pas à craindre « qu’il ne soit désormais cause d’autant de violence, incommodité et déplaisir qu’il l’a été par le passé d’honneur, de profit et de volupté ? »

Mercure, en plaidant pour la Folie, se montre digne de sa réputation, et c’est très-finement qu’il s’attache à montrer « que la Folie n’est point inférieure à l’Amour et que l’Amour ne serait rien sans elle. » Suivant lui, compagne fidèle des hommes, la Folie n’a cessé de croître avec eux ; elle se développe dans un rapport étroit avec chacun de leurs progrès. Parmi les hommes, ceux que l’on honore le plus ne sont-ils pas d’ordinaire les plus fous ? Et quel est le principe des entreprises hasardeuses et de la plupart des découvertes, si ce n’est la Folie ? En amour surtout, lequel préfère-t-on du fou ou du sage ? La folie n’entre-t-elle pas même si naturellement dans l’amour, qu’il n’y