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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

L’idée d’une discussion libre des ordres reçus est, comme on le voit, fort éloignée de son esprit ; mais qu’on se garde de croire que cette obéissance eût un caractère aveugle. Montluc nous apprendrait au besoin le contraire par ces paroles, noble expression de la foi politique d’un vieux Français : « Nos vies et nos biens sont à nos rois, l’âme est à Dieu, et l’honneur à nous. » Et, ajoute Montluc avec cette fierté de nos anciens gentilshommes : « Sur mon honneur mon roi ne peut rien. » Cette fierté, on l’excusera puisqu’elle se lie ici à l’idée de sérieux devoirs : « Songez, vous qui êtes nés gentilshommes, que Dieu vous a fait naître pour porter les armes, pour servir votre prince, et non pas pour courre le lièvre ou faire l’amour. Quand la paix viendra, vous aurez votre part du plaisir. »

Le dévouement au roi égalait au moins, chez les gentilshommes, et chez Montluc en particulier, le dévouement au pays. De là son émotion quand il déplore avec amertume « les malheurs qui sont advenus dans ce misérable royaume, » et surtout qu’il regrette « son bon maître Henri II. » L’attachement qu’il lui portait fut des plus durables, et même un peu aveugle, puisque, dans l’effusion de sa reconnaissance, il allait jusqu’à appeler ce prince « le meilleur roi que la France aura jamais. » Avec le règne de ce prince devait se terminer la partie vraiment honorable de son histoire. « Depuis cette mort, dit-il tristement, je n’ai eu que traverses, comme si j’en eusse été cause et que Dieu m’eût voulu punir. » Et de fait on voit qu’il fut en butte auprès de Catherine de Médicis et des rois ses fils aux inculpa-