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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

une nature morale des plus incomplètes, qu’un seul sentiment semble élever au-dessus d’elle-même, celui de l’honneur militaire.

De là quelques pensées du devoir plus hautes que celles des anciens, comme celle qu’il exprime au sujet d’un général qui, à l’aspect de son armée demi-rompue, voulait se frapper de sa propre épée : « Les Romains pouvaient faire cela, mais non pas les chrétiens. » La religion avait donc éclairé Montluc sur la nature du véritable héroïsme, qui empêche également le chrétien de fuir la mort et de courir au-devant d’elle. Un sentiment qui nous touche aussi chez Montluc et qui lui vient de la religion, c’est qu’il ne manque pas, suivant son propre langage, « de pitié pour la ruine du peuple. » C’est avec chagrin qu’il le voit foulé, maltraité, dévoré par tous les partis, et, chose alors trop rare chez les gens de guerre et dans la caste privilégiée du pays, il se porte son défenseur. On ne contestera pas non plus l’affection sincère qu’il montre pour son pays, dont il plaint souvent la misère, et surtout pour son roi, à l’égard duquel il résume son dévouement absolu par ces paroles : « Ce n’est pas à nous de demander à notre roi si sa querelle est bonne ou mauvaise, mais seulement d’obéir. » Il dit encore ailleurs : « Dieu les a fait naître (les princes) pour commander et nous pour obéir. » On remarquera chez Montluc cette tendance à la soumission, conforme d’ailleurs en général à l’esprit militaire, mais qui n’était pas, à cette même époque, celui des gens de lettres et des légistes[1].

  1. Témoin par exemple les Quatrains de Pibrac.