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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

manger la poule du bonhomme auprès du feu. Cette teinte méridionale, qui rappelle Montaigne, colore en général le style de Montluc. Il se connaît en hommes ; il les apprécie avec équité et il les marque au passage par des traits caractéristiques. Parlant d’André Doria : « Il semblait, dit-il, que la mer redoutât cet homme. » François Ier et Charles-Quint et leur ardente rivalité ont trouvé en lui un fin et juste appréciateur. Il ne dit qu’un mot de Henri de Navarre, mais ce mot témoigne que dans ce prince il a pressenti Henri IV ; il lui paraît ce donner espérance d’être quelque jour un grand capitaine. » Pour les peuples comme pour les particuliers, il sait discerner et noter leurs qualités distinctives. Dans les Suisses il reconnaît de « vrais gens de guerre qui servent comme de remparts à une armée ; » mais il avertit ce qu’il faut que ni l’argent ni les vivres ne leur manquent, car ils ne se payent pas de paroles. » Pour les Turcs, dont la réputation était alors des plus redoutables, Montluc ne pense pas qu’ils vaillent leur réputation : « Je crois, dit-il, qu’ils ne nous battraient pas à forces pareilles. Ils sont plus robustes, obéissants et patients que nous ; mais je ne crois pas qu’ils soient plus vaillants. Ils ont un avantage, c’est qu’ils ne songent qu’à la guerre. » Au sujet des Français, il remarque, ce qui a été trop vrai au moins jusqu’ici, « qu’ils ne savent pas garder leurs conquêtes. » Pour les Anglais, dont le nom n’avait pas cessé d’être néfaste pour notre pays, et contre qui il éprouve un ressentiment patriotique, comme contre les Espagnols[1], il juge

  1. « Honni soit, dit-il, qui les aimera jamais ni l’un ni l’autre. »