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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

à son rôle d’écrivain. C’est ce qui arrive particulièrement pour les harangues, qu’il délaye à son insu et avec excès. Le caractère gascon, dont il se pare volontiers, s’y montre avec une certaine exubérance.

Montluc, malgré son affectation d’homme étranger à l’étude et au savoir, ne laisse pas de prétendre, et non sans quelque raison, au titre d’orateur. C’est ce qu’il montre surtout dans le récit du siège de Sienne, où il se complaît à rapporter ses discours, imitant en cela les anciens et même un de ses contemporains, Guichardin, qu’il a qualifié de bon auteur. Ce qui est certain, c’est que Montluc était éloquent par la seule inspiration des choses, « la nature lui ayant appris à l’être sans nul art. » Et ce talent tout spontané, il le gâte un peu, quand, moins bref que César, son modèle, il se laisse aller à discourir dans son livre.

Les qualités de l’écrivain n’en sont pas moins dignes d’une sérieuse étude et de grands éloges. Homme d’action et de pensée, de guerre et de style, il mérite la place qu’un éminent critique lui a assignée[1] entre ces excellents et vigoureux esprits qui usèrent sainement et vaillamment des ressources de la langue et qui, en l’appliquant aux besoins divers de leur temps, la marquèrent d’une empreinte impérissable. Chez lui les expressions pittoresques abondent. Un traître, c’est, dans son langage animé, un homme qui tourne sa robe ; être la victime de l’ennemi, c’est lui donner curée ; demeurer oisif, loin des combats et à la campagne, c’est

  1. M. Sainte-Beuve, article sur Ét. Pasquier.