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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

et étonné les autres. » Il eût surtout échappé à cette humeur solitaire, à ce caractère sombre et sauvage qui porta de si tristes fruits. Car il était permis de bien espérer de lui, et c’est ce qui était arrivé à Montluc, qui rappelait en ces termes l’honneur qu’il avait eu de s’entretenir avec son roi : « Il me souvient, dit-il, que vous preniez plaisir de m’entretenir seul, lorsque vous fîtes le voyage de Bayonne, et vis bien que vos discours excédaient la portée de votre âge… »

Montluc a, comme on le voit par l’ensemble de ces préceptes et le soin de ramener tout à des leçons, rédigé ce que l’on appellerait volontiers un manuel de l’homme de guerre plutôt que des mémoires. On y trouvera donc des renseignements sommaires, des peintures de l’époque et des hommes en généra], plus qu’une histoire continue et des détails également circonstanciés. L’auteur se laisse d’ailleurs aller un peu au hasard de sa mémoire et de sa plume ; il se préoccupe fort peu des dates, que l’on n’aperçoit qu’à de rares intervalles dans son livre. « Lui qui s’est toujours plus soucié de bien faire que de bien dire, » il ne se pique nullement d’une régularité de composition qui se concilierait peu avec sa nature libre et primesautière.

« Sa main, nous dit-il, était aussi prompte que sa parole ; » il en est de même de sa plume. Une brusquerie énergique est le premier caractère de son éloquence de soldat. Il développe d’ailleurs son sujet avec fort peu de proportion, courant parfois, parfois aussi n’échappant point à quelques longueurs, comme s’il oubliait par intervalles son ancien métier et payait tribut