Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
325
LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

il à nous en faire un long récit. Enfin dans ce livre « écrit sur ses vieux et derniers jours, » sans qu’il y ait songé auparavant et qu’il ait recueilli à ce sujet aucune note, il se pique, grâce à la merveilleuse fidélité de sa mémoire, d’écrire avec exactitude « l’histoire de sa vie. »

Un but tout personnel se joint à ce que son intention a de patriotique : il veut « que les petits Montluc que ses enfants lui ont laissés, se puissent mirer en la vie de leur aïeul[1]. » Il s’est donc, et on l’a déjà dit, défendu plusieurs fois de la prétention d’être historien. Il lui suffit « que chacun connaisse qu’il n’a pas porté les armes si longtemps inutilement. » Les faits qu’il a vus, où il a eu part, surtout avec quelque commandement, sont ceux qu’il se borne à rappeler, et toujours de manière à en tirer pour les autres un précepte, un enseignement ; son ton est éminemment doctoral, et il n’hésite pas à ériger en leçons les résultats de son expérience privée : il se proclame en effet « le plus vieux capitaine de France et qui s’est trouvé en autant de combats ou plus que capitaine de l’Europe[2]. » Fort

  1. À la fin de son livre il les recommande avec émotion au roi, dont il invoque les promesses, et il les engage « à tâcher de surmonter, s’ils peuvent, leur aïeul, qui, tout pauvre cadet de Gascogne qu’il était, s’était élevé aux plus hautes dignités du royaume. »
  2. De là l’estime singulière de Henri IV pour l’œuvre de Montluc, qu’il appelait la Bible du soldat. Et en effet on pourrait, laissant de côté les narrations de Montluc, un peu longues, hérissées de noms propres, parfois d’une médiocre clarté, résumer avec beaucoup d’utilité, dans un petit volume substantiel, les excellents conseils, les sages préceptes et les axiomes de guerre que renferme cet in-folio. Par exemple : « Il faut prévoir tout ce qui peut survenir, vu qu’aux armes les fautes