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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

sions, « de déduire ce qui s’est fait là où il a commandé, passant le reste bien légèrement. » Pour excuser son goût de parler de lui, il pouvait alléguer, et à bon droit, comme un contemporain de la même trempe[1], « que le plaisir de dire était juste après la peine et le péril des actions. » À ces hommes de guerre laissons en effet le privilège de parler d’eux-mêmes : mieux que les hommes de cabinet les plus diserts, ils sauront dire ce qu’ils ont vu, et placer sous nos yeux les sièges et les batailles animés par leurs souvenirs.

Avec sa confiance gasconne, Montluc alléguait comme son modèle César, qu’il n’avait lu sans doute que dans la traduction de Vigenère ; mais nous ne serons pas dupe du rapprochement : César, aussi lettré que belliqueux, écrivait ses Commentaires dans toute la force de son âge et au milieu même de sa carrière militante. Nous avons dit que Montluc ne prit la plume que lorsqu’il fut hors d’état de porter l’épée. Son éditeur ne nous laisse là-dessus aucun doute. « Il dicta, nous dit-il, son ouvrage, étant malade et languissant de cette grande arquebusade » dont nous l’avons entendu lui-même se plaindre avec tant d’amertume. À la vérité, on n’en sera que plus surpris de l’allure mâle et rapide du vieillard. Avec une certaine bonhomie qu’il mêle parfois à sa jactance habituelle, Montluc nous avertit qu’il sera sincère sur « ce qu’il a fait de bien et de mal ; » et bien que ses succès « ne soient pas des conquêtes de Naples ou de Milan, » encore se plaira-t-

  1. D’Aubigné.