Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
323
LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

court avec la pensée, spontané par-dessus tout et de l’originalité la plus piquante. Tel est celui de Montluc, qui, fort heureusement pour son ouvrage, n’a nullement l’ambition d’auteur. Non qu’il ne poursuive la gloire ; il a même dit avec une noble confiance « que son écriture serait cause que sa mémoire ne mourrait pas sitôt. » Il croit même pouvoir, avec la jactance qui le caractérise, se vanter d’avoir à double titre « immortalisé le nom de Montluc. » On lui saura même gré de l’hommage qu’il rend, lui homme d’épée, au pouvoir de la plume, quand il le reconnaît pleinement par ces paroles : « Sans les écritures qui se font parmi le monde, la plupart des gens d’honneur ne se soucieraient d’acquérir de la réputation ; car elle coûte trop cher. L’honnête désir que nous avons de perpétuer notre nom, comme on fait par les écrits, est cause que la peine semble bien douce à celui qui a un cœur généreux. »

Mais c’est principalement l’inspiration militaire qui continue à l’animer et qui dirige sa plume. Soldat avant tout et toujours, il veut prolonger sa carrière active, et par les exemples qu’il offre à ses successeurs, par les leçons qu’il leur donne, se survivre en quelque sorte à lui-même. C’est en sa qualité « du plus vieux capitaine de France, » qu’il croit mériter des lecteurs et leur être utile, en échappant ainsi à l’oisive obscurité de son manoir. Loin de lui d’ailleurs, « de vouloir faire l’historien ; car il y serait bien empêché et ne saurait par quel bout s’y prendre ». Il n’a pour objet que de raconter sa vie, ou plutôt, suivant ses propres expres-