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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

On eût donc pu dire de lui à peu près ce qu’on disait, un siècle plus tard, du maréchal de Rantzau :

Que Mars ne lui laissa rien d’entier que le cœur.

Le souffle guerrier ne cessa en effet de soutenir ce corps épuisé de forces et de sang, qui montra jusqu’au bout, comme l’a dit un grand orateur[1], « qu’une âme guerrière est maîtresse du corps qu’elle anime. »

Par là il a mérité quelque grâce devant la postérité, ayant été le premier à braver la mort, qu’il était si prompt à répandre autour de lui. Mais bien qu’il ne lui ait pas manqué, comme on a pu le voir, un certain germe de qualités morales que des circonstances plus heureuses eussent pu développer, ce qu’il n’eut pas et ce qui est le trait caractéristique des héros, c’est une âme compatissante pour ses semblables. « Il n’y a que les grands cœurs, a dit Fénelon, qui sachent combien il y a de gloire à être bon ; » et Montluc ne le sut pas, pour le malheur de sa renommée. Que ce soit donc là la conclusion de notre étude sur le capitaine et sur l’homme. Et, non sans imputer une partie du mal aux temps funestes où vécut Montluc. regrettons chez lui ce caractère que Bossue t a signalé aussi comme inséparable de la vraie grandeur. Rappelons ces paroles de l’illustre orateur chrétien : « Loin de nous les héros sans humanité… Lorsque Dieu forma le cœur et les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté comme le propre caractère

  1. Bossuet, Oraison funèbre de Condé.