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LE MARÉCHAL DE MONTLUC.

grande arquebusade au visage, de laquelle je ne guérirai jamais. » Vers ce même temps, une autre arquebusade le privait de son dernier fils : « Mort que Dieu lui avait donné le courage de porter non pas comme il devait, mais comme il put. » L’année suivante, après ces coups funestes, lui apporta une consolation qui était de nature à faire battre son cœur guerrier. Lorsque Catherine de Médicis se rendit à Lyon en allant au-devant de Henri III, qui revenait de Pologne pour succéder à Charles IX (1574), elle fut accompagnée de Montluc, et ce prince, par un des premiers usages de sa prérogative royale, le créa maréchal de France[1]. Longtemps attendu sans doute, cet honneur était un beau couronnement de sa carrière. Aussi aurait-il bien voulu, pour témoigner au nouveau monarque sa reconnaissance et son dévouement, avoir encore, selon son parler soldatesque, « dix bonnes années dans le ventre ; » mais il lui fallait reconnaître « qu’il n’était plus capable de porter

  1. On se rappellera à cette occasion que c’était à l’habileté de l’évêque de Valence, Montluc, frère de celui dont nous traçons la biographie, que Henri III avait dû en partie son élection au trône de Pologne. Dans ses autres négociations et ambassades (il en remplit jusqu’à seize, presque toutes fort délicates) il n’eut guère moins de succès. On le citait comme prédicateur et orateur aussi disert qu’il était habile diplomate. Plus d’une fois il est question de ses belles harangues et de son éloquence dans les Commentaires, où nous trouvons même la traduction d’un de ses discours qu’il avait prononcé en italien. Au reste, cet évêque, loin d’être catholique passionné comme son frère, était d’une grande tolérance, et il passait même pour si peu arrêté dans sa religion, qu’il a été soupçonné d’adhésion au protestantisme. Il mourut à Toulouse, en 1579, dans la disgrâce de son roi, qu’il n’avait pas trouvé fort reconnaissant.